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Le Mont de Sisyphe
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Je suis beau et intelligent. À part cela, je suis juriste helvète, libéral-conservateur, amateur d'armes, passionné d'histoire et de politique. Je suis libéral et capitaliste convaincu car je pense que c'est cela l'état naturel de l'homme. Je parle le "Schwiizerdütsch" avec un accent zurichois, j'adore la bonne musique, la bière et surtout la femme avec qui je vis.


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Tuesday, November 15, 2005

Thoughtcrime

J'ai brièvement abordé dans un de mes billets précédents le phénomène du pouvoir de décision que l'on donne aux juges sur ce qui est censé être l'histoire juste et bonne. Je pense que cela constitue un dérapage à goût totalitaire.

Je m'explique: Le Code pénal suisse, dans sa norme "anti-racisme" très controversée (article 261bis alinéa 4) statue que sera puni de l'emprisonnement ou d'une amende:
celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité;
Le fait de donner au juge le pouvoir de décider de l'histoire juste est à mon sens gravement menaçant. Car nous savons (certains de mes lecteurs chéris mieux que moi) que l'histoire en tant que science est quelque chose qui évolue - ce n'est donc jamais "donné" ou acquis. Je pense par exemple à une petite chose, telle la perception du rôle joué par la Suisse durant la deuxième guerre mondiale. D'abord la vue de la Suisse comme État héroïque, ensuite la relativisation jusqu'à la culpablisation en tant que collabo "light". Si un juge doit décider de ce qui est l'histoire vraie, il se fondera sur quoi?

Le droit pénal est la tentative légitime de l'État de décider normativement de ce qui est le comportement souhaitable des gens vivant en société. Une infraction aux normes est à juste titre réprimandée. Le fait de voler est une infraction commise à la propriété d'autrui. Le punir est juste car la propriété privée est une valeur qu'il faut protéger, il est bon de l'avoir. En fin de compte, on veut introduire une acceptation générale et standardisée du droit à la propriété.

Le fait d'avoir une histoire standardisée "lue et approuvée" est toutefois le trait charactéristique d'un système totalitaire. Le régime de Weimar et à fortiori le système nazi avaient une vue historique "normée" (p.ex. "Dolchstosslegende"), tout ce qui allait à l'encontre de cette histoire arienne était taxé d'anti-social. La raison en était que c'est en usurpant l'histoire que l'on voulait imposer des valeurs populaires (en l'occurence une volonté à la guerre, même chose pour la propagande arabe concernant les guerres contre Israël) - tout en violant la liberté d'opinion des citoyens. S'approprier l'histoire respectivment la lecture que l'on en fait est la condition sine qua non d'un État répressif. C'est comme cela que l'on manipule l'opinion publique. Qu'on le fasse en se fondant sur une science qui n'est pas précise comme l'histoire ne fait qu'ajouter du ridicule à la monstruosité.

Par ailleurs: Est-ce vraiment digne de punition si je niais que les Helvêtes ont été victime d'un "génocide" commis par les Romains à Bibracte en 58 av.J.C.? Ou si au contraire j'affirmais que c'en était un (comme le faisait mon prof de latin)?? Ou un autre exemple qui ne perd pas en actualité: le "génocide" commis à l'encontre des Arméniens par les Turcs: Était-ce un génocide ou un crime contre l'humanité? Ou juste un "dommage collatéral"? Les historiens s'accordent sauf erreur pour dire que c'était un "génocide". Seulement, et comme pour donner raison aux critiques de la loi, notre cher législateur suisse (celui qui a donc introduit la loi ci-dessus) a récemment refusé de "reconnaître" le génocide arménien... J'avoue que je ne comprends pas la notion de "reconnaissance" d'un évènement historique par un législateur (on reconnaît par exemple un jugement étranger pour le faire exécuter dans son pays). Mais il est tout de même drôle de se dire qu'en tant qu'individu, je pourrais être puni si je devais affirmer que les Arméniens avaient juste été des "victimes de guerre" (comme il y en avait d'autres) alors que le législateur qui voulait justement forcer les contribuables à accepter la "Vérité" (avec un grand V) historique, refuse de faire de même. Je sais que l'assemblée nationale française (tout comme le parlement genevois) a franchi le pas et a "reconnu" le génocide commis par l'armée turque. Comme quoi, les autorités législatives suisses ne sont pas les seules à déraper.

Autre problème majeur: Qu'est-ce qu'un génocide ou un crime contre l'humanité?? L'individu qui, à la manière des néo-communistes de service affirme que les officiers polonais de Katyne ont été massacrés par les Allemands et non par Staline en 1941 (ou en 1940 selon la majorité des historiens sauf erreur), doit-il être punissable? Et s'il traite le goulag soviétique de camps de rééducation? Où s'il appelle l'abominable Che Guevara un révolutionnaire? Ou s'il traite Sharon de criminel de guerre à cause de Sabra et Chatila? Ou s'il défend Sharon? Et que s'est-il passé en Algérie de 1954 à 1962?

Où intervient la justice dans tout cela? En tant que juriste, je sais qu'il est suffisament difficile d'établir les faits qui se sont produits. La qualification juridique est ensuite souvent relativement facile. Vouloir alors introduire une sorte de Vérité absloue (absolue car obligatoire) dans le domaine de l'histoire relève de l'impossible. Voudrait-on peut-être interdire une certaine recherche historique de peur qu'elle serait politiquement incorrecte? C'est alors que l'on demande aux juges non seulement d'établir des faits historiques (qui se sont passés dans d'autres pays à d'autres époques avec des auteurs souvent morts), mais en plus de décider de ce qui en est la juste perception.

En fait, l'article 261bis alinéa 4 du Code pénal suisse est l'introduction en Suisse du crime par la pensée.

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